Près de 80 ans après la révolution bolchévique, la Russie a signé, hier, un mémorandum prévoyant l'indemnisation des porteurs français d'emprunts russes. Ces derniers devront se contenter d'une somme dérisoire de 2 milliards de francs, répartie sur plusieurs années.
Moscou accepte d'indemniser au rabais les porteurs français d'emprunts russes -----------------
C'est un accord éminemment symbolique, mais de portée financière limitée, que le ministre français de l'Economie et des Finances, Jean Arthuis, et le vice-président de la Fédération de Russie, Oleg Davydov, ont signé hier à Paris. Près de 80 ans après la révolution bolchévique et la décision de Lénine de ne pas reconnaître les dettes tsaristes, la Russie a, enfin, accepté un mémorandum pour régler la délicate question de l'indemnisation des porteurs français d'emprunts russes. Aux termes de l'accord conclu à l'occasion de la visite à Paris du Premier ministre russe, Victor Tchernomyrdine (lire page 4), Moscou accepte d'indemniser globalement les porteurs français à hauteur de 400 millions de dollars étalé sur une période pluriannuelle, en principe de quatre ans. Le recensement des ayants droit et la définition de la méthode d'indemnisation sera confiée à une commission « ad hoc », que sera chargé de constituer Jean-Claude Paye, conseiller d'Etat et ancien secrétaire général de l'OCDE. D'entrée de jeu, la mission de cette commission s'avère délicate. Le Premier ministre, Alain Juppé, l'a lui-même reconnu au cours de sa conférence de presse: la définition de la méthode d'indemnisation sera « complexe ». Car le mémorandum ne porte pas seulement sur les emprunts émis par la Russie tsariste jusqu'en 1917, mais couvre aussi les spoliations résultant des changements de frontières opérés lors du dernier conflit mondial. Une société de portefeuille comme la FIPP, qui détient des titres de propriété sur des champs pétrolifères en Europe centrale, expropriés à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, devrait donc logiquement pouvoir prétendre à indemnisation. Or les sommes accordées par les Russes restent finalement sans commune mesure avec les investissements réalisés à l'époque. Plus l'assiette de l'indemnisation sera large, plus le montant unitaire de cette indemnisation sera faible. Dès l'annonce de la signature du mémorandum, certains représentants des porteurs d'emprunts russes ne cachaient d'ailleurs pas leur désappointement. « Si les spoliés industriels et commerciaux de 1939 - 1945 touchent, par exemple, 30 % du montant de l'indemnisation, il ne restera plus que 1,4 milliard de francs à répartir pour les 4 millions de titres en circulation, ce qui représente une somme dérisoire de 350 francs par titre; une misère », ironisait, hier soir, le porte-parole de l'une des trois associations de porteurs d'emprunts russes, rappelant que la valeur d'un titre peut être estimée à 9.800 francs sans les intérêts. Cela étant, les pouvoirs publics pourront toujours lui répondre que cet accord « inespéré pour des milliers d'épargnants français après des années d'un vain combat » vaut mieux que pas d'accord du tout. Les 400.000 porteurs français d'emprunts russes, après Britanniques, Américains et Canadiens à obtenir une maigre compensation, apprécieront.