Quelques temps aprés la signature des accords Franco-russes de 1996 et 1997 , un des participants aux discutions, Monsieur Hervé de Charette, Ministre des affaires étrangéres, déclarait ''' nous avons été roulés dans la farine ''' Cette déclaration faisait suite aux révélations sur les fonds cachés par la Russie dans un paradis offshore, pour laisser croire en son insolvabilité auprés des pays occidentaux.
Les accords de 1996-1997 ayant été signés dans un climat de tromperie avec falsification des chiffres sur la véritable richesse de la Banque de Russie, afin de minorer fortement l'indemnité versée à la France ( et non aux porteurs d'emprunts russes ) il apparait aujourd'hui que ces accords doivent être sinon annulés, du moins rediscutés sur des bases plus claires et plus réalistes sur le plan de la richesse réelle de la Russie.
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n° 435 - 4 mars 1999
RUSSIE • Les étranges combines financières de la Banque centrale
Alors que le Kremlin tentait d'obtenir un nouveau crédit du FMI, on apprenait que la Banque de Russie avait, ces dernières années, mis 50 milliards de dollars "en sûreté" sur l'île de Jersey. Justifications de l'ex-vice-président de cette institution.
En même temps qu'il signait sa démission, le procureur général Iouri Skouratov envoyait, début février, au président de la Douma [chambre basse du Parlement], Guennadi Selezniov, une rapport intitulé "Audit extérieur de la Banque de Russie". Il y dressait toute une liste d'accusations contre cette banque, notamment sur le transfert illégal de réserves de devises - incluant certains crédits du FMI -, pour un total de 50 milliards de dollars [environ 300 milliards de FF], sur le compte de la société Fimako, établie dans le paradis fiscal britannique de Jersey. Sergueï Aleksachenko, ex-vice-président de la Banque centrale (BC) [ou Banque de Russie], répond aux accusations du parquet.
Lorsque Sergueï Doubinine et vous-même êtes arrivés à la tête de la Banque centrale [en 1995], elle traitait déjà avec la Fimako. Quand avez-vous été mis au courant de ces manoeuvres ?
SERGUEÏ ALEKSACHENKO Presque immédiatement, et nous avons jugé nécessaire de ne pas toucher au statut de la Fimako et de la conserver comme partenaire. Cela présentait un avantage, car cette entreprise n'est pas tenue de révéler le nom de ses clients. Par conséquent, lorsque les actifs de la BC ont été menacés de saisie [par les créditeurs occidentaux], ils ont pu être transférés à la Fimako sans que personne sache d'où ils venaient réellement. Cette société est, à 100 %, une "filiale" d'Evrobank, dont 78 % des actions appartiennent à la BC. Ainsi, tous les revenus de la Fimako apparaissent dans le bilan d'Evrobank, de même que tous les revenus de cette dernière se trouvent sous le contrôle de la BC, et donc tout le produit des placements des réserves en devises est rétrocédé à la BC.
Les montants indiqués dans la lettre de M. Skouratov correspondent-ils à la réalité ?
D'après ce que j'ai compris, il s'agit de la somme brute relevée sur les formulaires de transferts de fonds. Les enquêteurs du parquet n'ont visiblement examiné que le dossier des transferts vers la Fimako, mais ils ne se sont pas intéressés aux sommes que la BC a ensuite récupérées, ni au bénéfice qu'elle a ainsi réalisé. L'île de Jersey est placée sous le contrôle strict des autorités britanniques. Aucun Russe désireux de blanchir de l'argent dans une zone offshore n'irait choisir cet endroit. Selon les règles en vigueur à Jersey, la Fimako doit se conformer point par point aux directives de son client concernant les placements qu'elle peut effectuer avec les sommes qui lui sont confiées. Ainsi, la BC a toujours demandé à ce que ses fonds soient convertis en actions "rapportant un minimum de...", mais en formulant certaines exigences envers la fiabilité et le coefficient de liquidité des investissements choisis. En conséquence, les bénéfices étaient "limités" : aucun placement sérieux n'offre un taux de rentabilité de 50 %.
A votre avis, le débat public soulevé par le transfert des réserves de la BC sur les comptes de la société Fimako peut-il influer sur les négociations en cours entre la Russie et le FMI ? Celui-ci était-il au courant de ces manoeuvres ?
Le FMI ne connaissait évidement ni le nom de cette société, ni les montants des transactions. Mais, dans l'ensemble, il savait que la Banque de Russie pouvait effectuer ce genre d'opérations. Je ne pense pas que cela puisse avoir des retombées négatives sur les pourparlers actuels. Le FMI désire un accord ; l'absence d'entente avec la Russie nuirait beaucoup à son image. En revanche, la réputation de la Russie va beaucoup pâtir de ce scandale. Partout dans le monde, on estime que si un procureur général fait une déclaration publique, c'est qu'elle est fondée. Cet automne, déjà, Iouri Skouratov avait accusé à plusieurs reprises la BC d'avoir dilapidé le dernier crédit accordé par le FMI.
Je voudrais insister sur le fait qu'en 1993 la menace de saisie des comptes de la BC était réelle. Il fallait qu'elle mette son argent à l'abri. Les documents émis par le parquet montrent que ces gens ne comprennent absolument rien à ce dont ils parlent. Ce rapport ne peut faire que des dégâts.
Quel est pour vous le principal problème de la BC à l'heure actuelle ?
Le manque de soutien politique auquel elle doit faire face : personne n'a intérêt à ce qu'elle demeure ce qu'elle est aujourd'hui grâce à la loi, à savoir une institution vraiment indépendante et apte à remplir correctement ses fonctions. La Douma et le Conseil de la Fédération veulent prendre le contrôle du processus d'impression et de distribution de la monnaie. Le rêve de l'administration présidentielle est de s'arroger une partie des prérogatives de la BC, comme le contrôle de l'activité bancaire et le monopole sur les métaux précieux. On sait bien ce que désirent, de leur côté, les oligarques qui sont encore là : ils souhaitent depuis longtemps grignoter un morceau du dernier bastion encore intact de la propriété de l'Etat. Ils pourraient ainsi placer des réserves de devises "chez eux", jouer les intermédiaires dans les transactions sur les métaux précieux et même aller jusqu'à renflouer la Sberbank [Caisse d'épargne] et la Vnechtorgbank [Banque du commerce extérieur]. Il est évident que personne ne parviendra à concrétiser totalement ces diverses ambitions, mais tous ces efforts mis en commun pourraient aboutir à modifier de manière substantielle le statut de la Banque centrale.
Andreï Denissov
Moskovskié Novosti
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Des fuites de capitaux records
Comment peut-on avouer ainsi aux créanciers occidentaux que la Russie a intentionnellement caché des fonds pour le cas où une action en justice serait intentée contre le gouvernement ?" s'insurge l'hebdomadaire Itogui. Et ce alors que d'âpres négociations avec le FMI et les Clubs de Paris et de Londres sur de nouvelles aides et une restructuration de la dette sont en cours. En attendant que la lumière soit entièrement faite sur les manoeuvres de la Banque centrale, la Douma a préparé une loi destinée à "empêcher les fuites de capitaux vers les zones offshore par l'intermédiaire du système bancaire russe". La Russie bat tous les records de corruption financière : l'équivalent de 200 à 300 milliards de dollars aurait trouvé refuge à l'étranger. Attention aux "criminels économiques", des places vont être spécialement libérées pour eux dans les prisons du pays.
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n° 459 - 19 août 1999
La Russie de tous les scandales
Spéculation, mensonges et escroqueries à la Banque centrale
La Banque de Russie a spolié les citoyens et bafoué le Fonds monétaire international. Un rapport d'audit confirme que l'institution financière détournait l'argent du FMI vers une filiale offshore à des fins de spéculation.
l l n'y a pas d'argent", répondaient les hauts fonctionnaires aux réclamations de ceux qui n'étaient pas payés depuis des mois. Or, pendant ce temps, des sommes colossales prélevées sur les réserves d'or et de devises du pays étaient investies dans une pyramide financière sous l'égide de l'Etat [voir CI n° 435, du 4 mars 1999].
Cette information a d'abord été catégoriquement niée, puis évoquée à mots couverts avant d'être confirmée : la Banque centrale de Russie (BCR), par l'intermédiaire d'une filiale offshore, la FIMACO [enregistrée à Jersey], a dilapidé une partie des réserves d'or et de devises du pays, ainsi que certains crédits du FMI, sur le marché des bons du Trésor. En 1996, les sommes en jeu se sont élevées à 1,2 milliard de dollars ; à cette époque, le taux de rémunération des bons avait franchi la barre des 200 %.
On se souvient encore de la scène qui a eu lieu à la Douma, lors de l'examen, en séance plénière, du bilan de la BCR pour l'année 1997. Arnold Voïloukov, premier vice-président de la Banque centrale, est à la tribune. Mais, dès que l'on aborde les questions épineuses, c'est Victor Guérachtchenko lui-même [président de la BCR] qui prend la parole. Il tient à répondre à certaines allégations du député Nikolaï Gontchar : "Nikolaï Nikolaïevitch, vous avez causé un tel préjudice non pas à la Banque centrale, mais au pays tout entier, que vos cheveux devraient en blanchir avant l'heure. Au lieu de vous agiter du haut de la tribune, vous devriez vous rendre à la Banque centrale, et, si vous ne nous croyez pas, allez au parquet, demandez-lui d'examiner nos comptes. Pourquoi avez-vous étalé tout cela dans la presse ?"
Les jeux boursiers rapportaient gros aux spéculateurs de la BCR
Pourquoi le président de la BCR en veut-il autant à M. Gontchar [député indépendant, ex-rival de Loujkov aux élections municipales à Moscou] ? Tout simplement parce qu'il a, le premier [dès l'automne 1998], révélé l'affaire FIMACO. Ce jour-là, il venait de rappeler aux autres parlementaires que, malgré des demandes réitérées adressées à la BCR, celle-ci n'avait jamais accepté de présenter son bilan consolidé complet. Selon ses informations, sur la seule année 1996, les précédents dirigeants de la BCR avaient joué 855 millions de dollars, par l'intermédiaire de la société offshore, sur le marché des bons du Trésor russes. Dans le même temps, ces responsables, MM. Doubinine et Alexachenko, ne perdaient pas une occasion d'affirmer que les sommes détenues par la Réserve fédérale n'étaient placées que dans l'élite des banques mondiales ou investies dans la crème des placements. Bref, aucun danger, les réserves de l'Etat étaient bien gérées.
Hélas, tout cela s'est révélé parfaitement faux. L'argent tournait dans la grande pyramide financière des GKO, les bons du Trésor russes. Les informations de M. Gontchar étaient inexactes, elles aussi. Pointilleux, l'audit a compté non pas 855 millions, mais 1,2 milliard de dollars investis dans les GKO, à une époque, encore une fois, où les taux pouvaient atteindre 240 %. Et comment auraient-ils pu ne pas s'envoler, puisque cela intéressait au premier chef les spéculateurs de la BCR et du ministère des Finances ! Ce petit jeu leur rapportait gros, et il leur était bien égal que ces bénéfices sortent directement de la poche de l'Etat, tandis que, durant des mois, les retraités ne touchaient pas leur pension, les militaires étaient privés de solde et tous les fonctionnaires étaient payés en retard.
Le rouble, déjà faible, peut s'effondrer d'un jour à l'autre
Mais tout finit par se savoir, même si la BCR protège jalousement son empire des regards indiscrets. La Banque centrale est un petit Etat dans l'Etat, aux moeurs édifiantes. Elle a, par exemple, créé son propre fonds de retraites. Les employés de la BCR, qui ne sont pas fonctionnaires de l'Etat, n'ont pas envie, sur leurs vieux jours, de se contenter de quelques malheureuses centaines de roubles, comme la majorité de leurs concitoyens. Avec leur système, ils perçoivent environ 70 % de leur dernier salaire. Celui-ci est-il élevé ? Mystère. Pour le savoir, il faut avoir accès à des documents tenus secrets. Et la BCR a beaucoup d'archives classées "secret", comme certaines pages du rapport de la Cour des comptes à son sujet, dont celles concernant les salaires.
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Le FMI avait fermé les yeux
"La Farce mondiale", titrait Kommersant le 3 août, après avoir pris connaissance du rapport du cabinet international d'audit Price Waterhouse Coopers sur les liens entre la Banque centrale de Russie (BCR) et la société FIMACO, sa filiale qui a pour siège le paradis fiscal de Jersey. Pourquoi "mondiale", s'il s'agit des malversations de la BCR ? Parce que le FMI semble avoir laissé faire. "Alors que le scandale de la FIMACO a été révélé dès l'automne 1998, le FMI n'avait jusqu'à présent fait aucun commentaire. Il n'a exprimé ses premiers reproches qu'après avoir annoncé sa décision d'octroyer un nouveau prêt de 4,5 milliards de dollars à la Russie [le 28 juillet]. Et pour cause. Dénoncer le scandale plus tôt aurait signifié renoncer à l'attribution du nouveau crédit, donc faire une croix sur les remboursements russes. Une avalanche de critiques se serait alors abattue sur l'institution. Il ne fait aucun doute que le lâchage de Milosevic par Moscou a joué un rôle. De tels retournements en politique extérieure ne peuvent avoir qu'un fondement matériel."