La "class action" à la française fait son grand retour
Les associations de consommateurs se sont félicitées de la remise à l'ordre du jour par le gouvernement des recours collectif ("class action"), un projet épineux avorté sous la présidence de Jacques Chirac, qui inquiète déjà le patronat.
Le président de la République Nicolas Sarkozy a demandé mercredi dans sa lettre de mission à la ministre de l'Economie Christine Lagarde, de créer avec le secrétaire d'Etat à la Consommation et au Tourisme Luc Chatel une "action de groupe à la française".
Les associations de défense des consommateurs, UFC-Que Choisir et la CLCV ont salué la démarche, mais émis des réserves.
"La CLCV ne saurait se satisfaire d'un texte qui ne répondrait pas aux besoins des consommateurs", a-t-elle prévenu.
Elle fait référence à un précédent projet proposé sous le gouvernement de Jacques Chirac, mais jugé trop restrictif par les associations de consommateurs.
Ce projet prévoyait qu'après une décision de principe de condamnation, les consommateurs devaient faire des démarches individuellement pour obtenir une indémnisation. En outre, la procédure était limitée aux préjudices matériels subis par des consommateurs à hauteur de 2.000 euros maximum, ce qui avait également suscité une levée de bouclier de la part des associations, qui contestent l'établissement d'un plafond.
Malgré un champ d'application restrictif, les organisations patronales ont continué de contester le dispositif, qui représente selon elles une menace pour l'entreprise. Finalement, le projet a été retiré au dernier moment en février.
Il s'agissait d'"un exemple de pastiche d'action de groupe" et "j'ose espérer que ce n'est pas ce projet qui sera exhumé mais que la proposition de loi qu'avait faite Luc Chatel, à l'époque encore député UMP, va devenir un projet de gouvernement", a commenté à l'AFP le président d'UFC-Que Choisir, Alain Bazot.
M. Chatel avait proposé en 2006 une proposition s'inspirant de la "class action" à l'américaine et qui visait à permettre, lorsque "plusieurs consommateurs ont subi des préjudices individuels causés par le fait d'un même professionnel" de poursuivre en justice et d'obtenir réparation collectivement.
"La proposition de loi de Luc Chatel est raisonnable. Il s'agit d'un bon compromis, le minimum que l'on puisse accepter", a jugé la présidente de la CLCV, Reine-Claude Mader.
Les associations ont été reçues à l'Elysée et à Bercy.
Cependant, le débat risque d'être intense. La Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) réclame d'ores et déjà "un encadrement strict des actions de groupe, pour éviter les dérives à l'américaine".
La CGPME estime qu'"il convient d’éviter que l'action collective ne soit utilisée comme un moyen de pression à l'égard des entreprises pour obtenir des engagements totalement étrangers à l'affaire".
"Nous devrions peut-être d'abord promouvoir une approche européenne de la +class action+ et ensuite voir comment la France mettrait en place un dispositif adéquat", a de son côté proposé le président de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution et membre du conseil exécutif du Medef, Jérôme Bédier.
Bruno Lasserre, président du Conseil de la Concurrence, s'est à nouveau prononcé cette semaine en faveur d'une "class action" à la française, permettrait de dédommager les victimes d'un préjudice.
Le Conseil avait infligé une amende record de 534 millions d'euros fin 2005 aux trois opérateurs mobile Orange, SFR et Bouygues Télécom pour entente illicite, qui a été versée au budget de l'Etat.
"Au final, les consommateurs qui ont subi le préjudice n'ont rien reçu. Par contre l'Etat s'est enrichi", a déploré Mme Mader.
AFP