Perpétuels emprunts russes
En signant il y a huit ans un mémorandum avec la Russie, le gouvernement d'Alain Juppé croyait clore définitivement l'épineux dossier des emprunts russes. Las, les porteurs, héritiers des Français spoliés par la Révolution d'octobre, ne désarment pas. Ils sont mécontents d'une indemnisation qu'ils jugent dérisoire. Et ne cessent de multiplier les actions sur le terrain judiciaire, même si désormais ils ne peuvent plus se prévaloir du soutien des autorités françaises. Leur dernier cheval de bataille concerne la cotation des emprunts russes à la Bourse de Paris, suspendue depuis le 25 novembre 1996, à la veille de l'accord conclu avec Moscou. Les porteurs devraient donc se presser nombreux cet après-midi sous les lambris du tribunal de commerce de Paris pour assister à l'examen de la nouvelle demande que l'Afper (Association française des porteurs d'emprunts russes), l'une des plus actives de leurs associations de défense, a introduit pour exiger d'Euronext la reprise de cette cotation.
Au printemps 2003, l'Afper avait déjà intenté une action similaire devant ce même tribunal, mais s'était fait débouter pour des questions de forme. Cette fois, elle compte bien obtenir gain de cause sur le fond. Et, pour préparer le terrain, ses adhérents ont fait le siège des médias au cours des dernières semaines, les abreuvant d'appels téléphoniques et de courriers afin de les sensibiliser. Pour l'Afper, cette suspension, « la plus longue de toute l'histoire de la Bourse, n'a plus de raison d'être aujourd'hui et constitue une violation évidente de la règle de droit ». Car, rappelle Pierre de Pontbriand, le président de l'Afper, « la cotation est un droit inhérent à tout titre qui a bénéficié d'un contrat d'émission ; or, en l'espèce, le contrat d'émission existe toujours et n'a pas fait l'objet d'annulation ». La position d'Euronext n'a pas plus changé. « Les conditions de reprise de la cotation de ces emprunts ne sont pas réunies pour assurer un fonctionnement normal du marché », martèle l'opérateur de la Bourse de Paris. Pour les porteurs, l'argument est un peu court, voire fallacieux, car les modalités de répartition des 400 millions de dollars versés par Moscou pour l'indemnisation sont connues depuis plus de quatre ans. Surtout, cette indemnisation n'a pas épuisé, à leurs yeux, la valeur des titres. La preuve : ils leur ont été restitués pour qu'ils puissent éventuellement en obtenir le remboursement auprès des autorités russes.