Les porteurs d'emprunts russes veulent saisir les trésors de l'Ermitage
11 Juillet 2003
Une nouvelle fois, les porteurs d'emprunts russes tentent de faire pression sur Moscou pour récupérer leurs créances en réclamant la saisie conservatoire d'oeuvres d'art du célèbre musée de Saint-Pétersbourg.
Plus de quatre-vingt ans de combat n'ont pas entamé la pugnacité des propriétaires d'emprunts russes. Au contraire, ceux-ci ont appris au fil des ans à médiatiser habilement leur dossier. L'Association française des porteurs d'emprunts russes (Afper) vient ainsi de prendre prétexte de l'exposition, organisée actuellement au dôme des Invalides, à l'occasion du tricentenaire de la fondation de Saint-Pétersbourg, pour relancer le débat autour de cet épineux contentieux. L'avocat de l'association, Me Françis Baillet, a ainsi déposé hier auprès du tribunal de grande instance de Paris une requête en vue de la saisie conservatoire des quelque 240 objets et oeuvres d'art prêtés par le célèbre musée de l'Ermitage dans le cadre de cette manifestation.
De maigres chances de réussite
Ce n'est pas la première fois que l'Afper tente de faire pression sur l'Etat russe par le biais d'une telle action. Cette association, qui revendique 15.000 adhérents, avait déjà tenté d'obtenir la saisie du navire-école « Sedov » lors de son escale à Marseille en 2002, ainsi que celle d'une villa à Deauville, propriété de l'Etat russe, mais sans résultats.
Pas plus que les autres fois, l'Afper n'a de chances aujourd'hui de parvenir à ses fins. L'article 61 de la loi du 8 août 1994 stipule en effet que « les biens culturels prêtés par une puissance, une collectivité publique ou une institution culturelle étrangères, destinés à être exposés au public en France, sont insaisissables pour la période de leur prêt à l'Etat français ou toute personne morale désignée par lui ».
En clair, les trésors de l'Ermitage, prêtés au musée de l'Armée, bénéficient de garanties qui les mettent hors d'atteinte d'une éventuelle saisie. D'ailleurs, le directeur du prestigieux musée de Saint-Pétersbourg, Mikhaïl Piotrovski, ne s'est pas privé de rappeler que les oeuvres, actuellement exposées à Paris, bénéficiaient de garanties légales les mettant à l'abri des revendications des porteurs d'emprunts russes.
L'Afper ne l'entend pourtant pas de cette oreille. Son président Pierre de Pontbriand rappelle qu'entre 1891 et 1913, la ville de Saint-Pétersbourg a émis à plusieurs reprises des emprunts obligataires gagés sur ses revenus, ses capitaux et ses avoirs immobiliers pour financer la réalisation de ses infrastructures. D'après le recensement effectué en 1918, les épargnants français avaient souscrit
pas moins de 359.173 titres émis
par Saint-Pétersbourg pour 179.586.500 francs or, ce qui correspond aujourd'hui à 530 millions d'euros en capital, sans tenir compte des intérêts accumulés depuis. Pour le président de l'Afper, il est donc légitime de réclamer la saisie conservatoire sur les biens de l'Ermitage, exposés à Paris, en garantie de la créance de ses membres qu'il estime à plus de 6 millions d'euros, somme qui ne tient pas compte des intérêts de retard.