Les porteurs d’emprunts de l’Empire russe continuent leur lutte pour le remboursement des dettes, lit-on dans le quotidien Vedomosti.
Ils ont l’intention d’utiliser pour cela la décision du tribunal français qui a attribué récemment à la Russie la propriété de la cathédrale de Nice construite par le dernier tsar russe Nicolas II avant la révolution.
Le 20 janvier, le tribunal de grande instance de Nice a reconnu le droit de propriété de la Russie sur la cathédrale Saint-Nicolas à Nice, en déclinant la demande de l’association orthodoxe locale qui prétendait à la propriété de cette église. L’Association Fédérative Internationale des porteurs d’emprunts russes (l’AFIPER) a maintenant l’intention de profiter de la décision du tribunal niçois pour obtenir le remboursement des dettes de la Russie tsariste. Campant sur sa position, la Russie a déclaré qu’elle était successeur de l’empire de Russie, qu’elle plaidait la continuité de l’État, explique le président de l’AFIPER Eric Sanitas (propos cités par Le Figaro), mais « ce qui vaut pour un bien, ne vaut-il pas pour des dettes ? » L’Association envisage de demander au tribunal de saisir la cathédrale Saint-Nicolas, tous ses biens et ses œuvres d’art inventoriés, lit-on dans sa déclaration.
L’AFIPER estime que la Russie doit rembourser aux porteurs d’emprunts russes environ 100 milliards d’euros, compte tenu des intérêts. Au début de 1918, la dette extérieure totale de la Russie équivalait à environ 13500 tonnes d’or. Le Comité exécutif central de Russie annula les emprunts des gouvernements tsariste et provisoire par décret le 3 février 1918. En valeur actuelle, cela représente 440 milliards de dollars, a calculé Nikolaï Sosnovsky de la banque Ouralsib.
En fait, Moscou avait effacé les dettes de l’Empire russe en 1996, l’année de la conclusion d’un accord bilatéral sur l’annulation de la dette envers le gouvernement russe. Le mémorandum avait été signé par les premiers ministres des deux pays, Viktor Tchernomyrdine et Alain Juppé. En tant que compensation, la Russie avait versé au gouvernement français 400 millions de dollars et celui-ci s’était chargé de régler les réclamations des porteurs d’emprunts qui n’avaient pas reconnu cet accord, précise un représentant du ministère russe des Finances.
Les porteurs d’emprunts russes ont déjà tenté d’obtenir du gouvernement russe un remboursement (voir la remarque ci-dessous). La reconnaissance de la continuité peut concerner également les dettes, estime Ilya Ratchkov, partenaire de la compagnie Noerr Stiefenhofer Lutz (1). La confirmation du droit à un bien ne peut pas entraîner automatiquement la reconnaissance des engagements concernant les titres émis, objecte Ivan Marissine, partenaire de Clifford Chance : « Cette question implique une analyse juridique minutieuse ». En tout cas, les chances de percevoir de l’argent sont minces, estime Ilya Ratchkov : « Plus de cent ans ont passé, le délai de prescription civile a expiré ».
Les réclamations de l’AFIPER n’auront aucun effet sur le placement des obligations souveraines russes prévu pour cette année, car le fondement juridique des réclamations est encore flou, estime Pavel Pikoulev de la société d’investissement Trust. Mais si des preuves sérieuses sont présentées par les porteurs d’emprunts, le marché réagira négativement, ce qui entraînera une hausse du prix du placement, ajoute-t-il, car 100 milliards de dollars, c’est une somme importante.
Les huissiers sont arrivés trop tard
En 2002, l’AFIPER avait insisté sur la saisie du voilier-école Sedov dans le port de Marseille, mais ce navire était reparti avant l’arrivée des huissiers. En 2003, les porteurs d’une partie des emprunts russes avaient porté plainte contre la Russie devant la cour d’appel de Paris, en exigeant la compensation de 350 millions d’euros, intérêts compris, pour 82 années. En 2005, le cabinet Cleary Gottlieb qui représente les intérêts de la Russie avait obtenu la clôture du procès.
(1) Me Ilja Ratschkov est avocat. Il fait partie du cabinet NOERR STIEFENHOFER LUTZ ( Munich et Moscou ) qui comporte plus de 50 spécialistes du droit ( Législation, fiscalité, comptabilité et finances.