JOURNALArticle paru le 27 novembre 1996
Accord pour l’indemnisation des porteurs de l’emprunt russe
A hauteur de deux milliards de francs, la Russie s’est engagée hier à indemniser les héritiers des souscripteurs de l’emprunt tsariste. Mais indemnisation n’est pas remboursement pour des titres sur lesquels différents gouvernements ont spéculé politiquement.
La France et la Russie sont parvenues hier à un accord sur une indemnisation des porteurs français d’emprunts émis par la Russie tsariste. Ce remboursement est à hauteur de 2 milliards de francs sur quatre ans. Un mémorandum a été signé en fin d’après-midi par le ministre français des Finances, Jean Arthuis, et le vice-président du gouvernement de la Fédération de Russie, Oleg Davydovn.
Viktor Tchernomyrdine, le premier ministre russe, avait promis lundi que son pays allait rembourser le fameux emprunt russe du Tsar levé voici quatre-vingts ans pour financer les chemins de fer de son pays et dont une bonne partie a été employée à l’armement destiné à la guerre de 14-18. Il s’est entretenu de cette question avec le président français, Jacques Chirac, lors d’un déjeuner à l’Elysée.
La Bourse de Paris avait suspendu lundi la cotation des emprunts dont les titres (environ 4 millions), contrairement à ce que l’on imagine souvent, ne sont pas cachés dans les armoires des grands-mères, mais stockés dans les portefeuilles de 400.000 porteurs, héritiers des 1,6 million de souscripteurs d’origine. L’estimation haute des remboursements à opérer, compte tenu des arriérés, s’élèverait, selon les associations des porteurs, à près de 160 milliards de francs, soit 38.000 francs par titre. Cependant, lors du règlement de cette dette aux Britanniques, voici dix ans, les porteurs n’ont été indemnisé qu’à 476 francs par titre. Chiffre proche de la dernière cotation à Paris, vendredi, établie à 493 francs.
La promesse de 2 milliards de francs de remboursement est loin des calculs des associations de porteurs de titres russes. Il n’y a pas, pour le moment, de montant arrêté par titre. Selon des sources concordantes de la commission franco-russe citées par l’AFP, les gens amèneront leurs titres et la somme sera ensuite divisée. Il n’a pas été indiqué si les stocks d’or des avoirs tsaristes gelés dans les coffres de la Banque de France, comme ils l’étaient en Grande-Bretagne, seront inclus dans le remboursement. Alain Juppé a simplement précisé que Jean-Claude Paye, ancien secrétaire général de l’OCDE, a été nommé à la tête d’une commission pour définir une méthode d’indemnisation qui sera « complexe ».
Prenant les devant d’une solution bien moins avantageuse que ne l’espéraient certains, Yves Galland, ministre délégué aux Finances avait indiqué, hier matin : « Il faut veiller à ne pas susciter d’attentes déraisonnables de la part des porteurs d’emprunts russes ». Le règlement de ce dossier est une question « plus politique qu’économique », avait averti hier le ministre russe des Finances, Alexandre Livchits. Moscou, en effet, a lancé la semaine passée son premier emprunt obligataire international depuis 1917. Emprunt interdit en France tant que la question de l’emprunt tsariste n’avait pas été réglée.