Nouvelle salve de sanctions économiques de l’Union européenne contre la Russie
Les 28 Etats de l’Union étendent la liste noire d’entités et d’individus russes et ukrainiens. La mesure était prévue avant que le vol MH17 ne soit abattu. Des sanctions économiques plus larges, qui viseraient notamment les banques russes, sont en préparation
Vendredi, alors qu’un troisième appareil chargé de corps arrivait aux Pays-Bas en provenance d’Ukraine, la liste de 15 personnes et 18 entités ukrainiennes et russes supplémentaires devaient être officiellement publiés en soirée par Bruxelles. Accusées d’apporter «un soutien matériel ou financier aux décideurs russes» responsables de l’annexion de la Crimée, ou de la déstabilisation de l’est de l’Ukraine, ou d’en «tirer bénéfice», leur mise à l’index a été approuvée jeudi par les ambassadeurs des 28 Etats auprès de l’Union européenne.
Agendé avant la destruction d’un appareil civil de Malaysian Airlines ayant fait 298 victimes, cet allongement de la «liste noire» doit être suivi de sanctions économiques plus larges, sectorielles, auxquelles les ministres des Affaires étrangères ont donné leur feu vert, mardi. Parmi les quatre secteurs évoqués jeudi figure la défense, domaine sensible alors que plusieurs nations – notamment la France et ses porte-hélicoptères – fournissent les forces russes.
Les marchés des capitaux sont également concernés. Le Financial Times a révélé qu’une interdiction de souscrire aux emprunts ou actions placés par les banques d’Etat russes sur les marchés européens était à l’étude. «En dépit de leur taille, les deux grandes banques étatiques Sberbank, VTB – et la semi-étatique Gazprombank – reflètent les fragilités du pays et sont dépendantes des financements extérieurs», prévient Gagik Sargsyan, responsable de Polixis. Selon cette agence genevoise conseillant le secteur financier sur les risques liés à l’ex-URSS, «toute sanction contre ces établissements aurait un impact sérieux sur l’économie russe». La semaine dernière, la Russie s’était déjà vu couper l’accès aux prêts officiels de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). «Cette mesure fragilise la confiance bien au-delà des montants en jeu, car les PME financées par la BERD font souvent figure de vitrine», avertit Gagik Sargsyan. Ces mesures de rétorsion ne sont pas exemptes de risques. «Le financement des sociétés d’Etat russes fait vivre tout un écosystème d’avocats et de courtiers à la City», rappelle ce connaisseur des réseaux russes.
Considérée comme intouchable depuis le début de la crise ukrainienne – Gazprom fournit le quart des besoins gaziers de l’Europe – l’énergie reste tenue à l’écart des sanctions. Même si les représentants de la diplomatie européenne ont aussi visé jeudi le secteur «des technologies sensibles, y compris dans le secteur énergétique». Washington a ouvert le feu en interdisant l’octroi de prêts en dollars de plus de trois mois à Rosneft, le bras pétrolier de l’Etat, ainsi qu’au producteur de gaz Novatek.
Empilées, les mesures ponctuelles déjà prises commencent à compliquer les liens financiers de la Russie. Ce, d’autant plus que l’amende record de BNP Paribas a rappelé, le mois dernier, ce qu’il en coûtait de flirter avec les interdits américains. Avocat genevois, Cyril Troyanov relate les récentes difficultés d’un client, dans l’impossibilité d’effectuer un transfert pour payer une facture en Suisse. «Mon premier réflexe a été de vérifier s’il était visé par les nouvelles sanctions», raconte ce spécialiste du droit commercial. Tel ne fut pas le cas. «En revanche, sa banque russe figure sur une de ces listes; raison probable pour laquelle UBS a rejeté l’opération.» Une anecdote à laquelle font écho les 76 milliards de dollars de sorties nettes de capitaux enregistrés par la Russie depuis le début de l’année – davantage que sur toute l’année 2013. «On voit l’argent russe affluer», témoigne un contact bancaire, contredisant les rumeurs de fuite des fortunes de Londres ou Genève. Afin d’enrayer l’exode, la banque centrale de Russie a frappé vendredi, en relevant le niveau des taux d’intérêt dans le pays. A Genève, lors du conseil général de l’Organisation mondiale du commerce, le représentant russe est intervenu pour rappeler l’illégalité des sanctions. Menaçant de porter plainte contre les Etats-Unis.