A l’entrée de l’église russe, deux parcelles en état d’abandon, squattées et encombrées de broussailles et de bois mort, sont au cœur d’un combat sans issue pour définir leur propriété
Broussailles, bois mort et... squatteurs. C'est le spectacle quotidien qu'offrent aux passants, aux visiteurs et aux riverains, deux terrains qui bordent le boulevard Tzarewitch. De part et d'autre de l'allée qui mène au portail d'entrée de la cathédrale orthodoxe russe Saint-Nicolas, les deux parcelles semblent à l'abandon.
Dans le quartier, on s'indigne. Et on désigne les nouveaux propriétaires et gestionnaires de l'Eglise russe : « Depuis qu'ils sont là, c'est comme ça. Ce n'était pas le cas avec l'ancienne association ! », estiment certains.
Car depuis une décision de la cour de cassation du 10 avril 2013, c'est la Fédération de Russie qui est propriétaire de la cathédrale Saint-Nicolas.
L'Association cultuelle orthodoxe russe (Acor) qui la gérait jusqu'alors, et ce depuis les années vingt, en a été expulsée (lire ci-dessous). Pour les riverains, les responsables sont donc tout trouvés : pourquoi la Fédération de Russie n'entretient-elle pas ses terrains ?
Parce que, selon les relevés de propriétés obtenus au cadastre, ces deux parcelles* ne lui appartiennent pas. C'est l'Acor que ces documents désignent comme propriétaire. Seule la parcelle « MH 264 », sur laquelle s'érige l'église russe, appartient à la Confédération de Russie.
« La Russie pourrait les réclamer »
« Si avant, tout ne faisait qu'un, il y a aujourd'hui trois parcelles distinctes au cadastre. La justice française a statué sur la cathédrale et le terrain sur lequel elle est bâtie, mais pas sur les deux parcelles attenantes », explique Nicolas Ozoline, recteur de la cathédrale orthodoxe russe Saint-Nicolas, avec amertume. « Ce qui veut dire que l'ancienne association gestionnaire est toujours propriétaire de ces terrains ».
Alors l'indignation des riverains, Nicolas Ozoline la partage : « C'est déplorable pour l'image du quartier et de notre église. Les riverains viennent me voir, je leur explique… Je n'ai pas le pouvoir d'intervenir pour entretenir ces parcelles. »
Il accuse l'Association cultuelle orthodoxe russe de mettre en œuvre « une stratégie pour salir notre église. L'Etat de maltraitance de ces parcelles est à l'image de celui dans lequel nous avons dû reprendre la cathédrale. »
Et d'évoquer une solution : « Si rien n'est fait, la Russie pourrait réclamer ces parcelles. »
Contactée, l'Association cultuelle orthodoxe russe dit prendre connaissance du fait d'être désignée comme propriétaire sur le cadastre : « Nous l'apprenons. Car jusqu'à maintenant, c'était le flou le plus total, affirme Jean Gueit, président de l'Acor. Dans le jugement de la cour d'appel, confirmé par la cour de cassation, il y a deux feuillets qui se contredisent. On ne sait pas clairement si ces deux terrains restent notre propriété, ou pas. Dans le doute, nous n'intervenons pas sur ces parcelles, ça risquerait de nous retomber dessus. Nous consultons des avocats sur la suite à donner. »
Et d'ajouter : « Toutefois, si le cadastre indique que nous en sommes propriétaires, nous avions un accord avec la Ville qui entretenait ces terrains. Pourquoi cet accord serait-il caduc si la propriété des terrains concernés n'a pas changé ? »
La Ville** indique que « les nouveaux titres de propriété des parcelles sont en cours d'étude au cadastre » et qu'elles ne sont par conséquent « pas ouvertes au public. Leur entretien n'est donc pas du ressort des services de la Ville. » Statu quo, pour combien de temps encore ?
*Parcelle MH 295 de 1 542 m2 et parcelle MH 294 de 1 013 m2.
**Qui entretient la parcelle 264 sur laquelle s'érige la cathédrale, par convention avec la Russie en échange de l'ouverture du jardin au public (conseil municipal du 14 septembre 2012, délibération 30.2).