Nice-Matin
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La cathédrale sera-t-elle vendue pour rembourser les emprunts russes ?
Par Philippe Fiammetti
La cour d'appel d'Aix a confirmé, le 19 mai dernier, le premier jugement faisant de la fédération de Russie le propriétaire « légitime » de la cathédrale orthodoxe Saint-Nicolas. Et voila que cette décision relance la polémique sur... les emprunts russes.
Pour se faire payer les dettes souscrites... au début du XXe siècle, les associations rassemblant les porteurs de ces titres repartent à l'assaut, en réclamant la saisie de l'édifice religieux pour éponger une partie de ces dettes colossales !
A la fin du XIXe et au début du XXe siècle, nombre d'épargnants français avaient eu la mauvaise idée de placer massivement leurs bas de laine dans ces emprunts qui ont notamment permis de financer les chemins de fer russes. Un placement de bon père de famille, pensait-on alors. Quoi de plus sûr, de plus solide que l'empire des Tsars ?
« La dette n'est pas éteinte »
A la veille de 1914, 75 % de la dette étrangère de la Russie était détenue par des Français ! On dénombrait encore en 1920 plus de 1,6 million de porteurs. Ils sont aujourd'hui 300 000 dans l'Hexagone à détenir encore des titres qui ont perdu toute valeur après la révolution de 1917.
Et ils ne désespèrent toujours pas de se faire rembourser par l’État russe.
A l'image de Charles de Bros, porte-parole de la Voix des Emprunts russes, l'une des associations engagées dans ce combat. Lui-même en possède plusieurs centaines, hérités de ses grands-parents. Pas question de se débarrasser de cette paperasse. « Je les garde car la dette n'est pas éteinte. C'est une dette souveraine.
« Et en vertu de la règle de continuité des Etats, il incombe à l'Etat successeur de rembourser », souligne-t-il.
Il poursuit son argumentaire : « Quand on a emprunté de l'argent, on doit le rembourser et si on décède, c'est à l'héritier de rembourser à partir du moment où il accepte la succession... »
Nouvel argument
Justement, l'URSS puis la fédération de Russie ont toujours refusé de reconnaître cette dette au motif qu'ils refusaient l'héritage impérial. Mais voilà que, dans le procès qui l'a opposé à l'association cultuelle niçoise, la fédération a argué qu'elle était bien l'héritière de l'Etat tsariste, qu'il y avait continuité.
Pour Charles de Brosses, cela change tout ! « C'est la première fois que la fédération se proclame l'héritière de l'empire des tsars. Et le tribunal a reconnu la validité de cet argument. On imagine mal que les mêmes juges, le même tribunal, ne concluent pas que la règle de succession des Etats s'applique non seulement aux actifs, comme la cathédrale, mais aussi au passif, comme les emprunts.
« On va demander à la Russie de payer ses dettes ».
Un affront
Les porteurs iront-ils jusqu'à demander effectivement la saisie de la cathédrale russe de Nice auprès de la Justice ou la menace restera-t-elle virtuelle ?
« Dans cette affaire, notre but n'est pas de réaliser une opération immobilière. D'ailleurs, ce monument historique, aussi extraordinaire soit-il, ne permettra jamais de rembourser la dette, même très partiellement !
« Mais ce sera un tel affront pour la Russie, si la saisie est ordonnée, qu'elle se décidera peut-être à régler enfin ses dettes. Cela améliora son image internationale : aujourd'hui tout le monde se méfie des Russes car on sait bien qu'ils ne paient pas leurs dettes. »
Dans le bras-de-fer engagé depuis de longues années, la guerre des nerfs se poursuit...