La fédération de Russie revendiquait la propriété de la cathédrale orthodoxe Saint-Nicolas à Nice. Elle vient d’obtenir gain de cause. La Russie a invoqué la continuité de l’État pour faire valoir son droit. La cathédrale a été construite par le tsar Nicolas II sur un terrain appartenant à la Russie impériale avec des fonds publics russes, et inaugurée en 1912. L’Association fédérative internationale des porteurs d’emprunts russes (Afiper) se fonde sur ce jugement pour faire valoir les droits de ces Français qui, au nom de l’alliance franco-russe et par pur patriotisme, ont souscrit massivement aux emprunts émis pour moderniser l’empire.
On sait que, dès 1917, Lénine puis l’Union soviétique ont refusé de reconnaître les dettes de l’ancien régime. Puisque la Russie de Poutine se prévaut de la continuité de l’État pour réclamer la propriété de la cathédrale, cette continuité doit aussi valoir pour ses dettes, estime l’association.
Il est douteux que l’Afiper obtienne gain de cause. La Russie a déjà signé des accords avec la France en 1997 pour indemniser, de façon ridicule il est vrai, les porteurs d’emprunts russes. L’association estime néanmoins que plus de 300 000 porteurs peuvent encore prétendre au paiement d’une dette qui représenterait plus de 100 milliards d’euros, intérêts compris. Pour commencer, elle envisagerait de saisir la cathédrale à titre de gage. Qui sait d’ailleurs si les emprunts émis par l’État russe n’ont pas contribué au financement de cette cathédrale ?
Allons plus loin. L’année France-Russie pourrait, en 2010, permettre de saisir les instruments de musique de tous les orchestres russes qui doivent se produire en France ainsi que les objets d’exposition qui séjourneront sur notre sol. Et si la Russie envoyait quelques avions au Salon du Bourget, pourquoi ne pas s’en emparer ? Moscou vient de remporter l’appel d’offres pourle siège de Météo France dans le VIIe arrondissement. Pourquoi ne pas saisir aussi ce bien dont il compte faire un centre culturel ?
Enfin, on prête à Vladimir Poutine l’intention d’acquérir quatre navires de type Mistral, un porte-hélicoptères capable de révolutionner l’art de la guerre maritime et de ne faire qu’une bouchée de la Géorgie et de l’Ukraine, si jamais ces pays venaient à contrarier leur puissant voisin. Laissons la Russie conclure le contrat et saisissons les acomptes qu’elle versera à nos chantiers navals pour leur construction !Trop dur, penseront certains déjà prêts à passer l’éponge sur les emprunts russes ! Mais pourquoi serions-nous plus indulgents à l’égard d’un pays gorgé de pétrole et de diamants, quand les Anglais sont prêts à mettre à genoux la pauvre Islande qui n’a comme richesse que de la lave et de la glace, simplement parce que des épargnants se sont laissé berner par une banque sur Internet ? D’ailleurs, la rigueur servirait de précédent à l’égard de la Grèce qui, si l’on en croit les agences de notation, pourrait être tentée de ne pas payer sa dette.
Attention tout de même à ne pas franchir certaines limites. Une rigueur excessive pourrait un jour se retourner contre la France si elle venait à ne plus pouvoir payer ses 1 600 milliards de dettes accumulés, sans compter les intérêts ! On ne voudrait pas voir saisir Notre-Dame.
Valeurs Actuelles par David Victoroff
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