Nouveaux espoirs de remboursement
Les associations de défense des porteurs d'emprunts russes montent au créneau
30 Juin 1994
Les associations de défense des porteurs d'emprunts russes, qui s'étaient un peu assoupies ces derniers temps, se sont sérieusement réveillées depuis deux mois. Raison de cette fébrilité: en avril dernier, Edmond Alphandéry, le ministre de l'Economie, a rencontré le premier ministre russe, Viktor Tchernomyrdine. Ce dernier lui a donné l'assurance qu'un engagement « au plus haut niveau » avait été pris par la Russie pour enfin boucler le dossier du remboursement des emprunts.
Après le Traité d'entente et de coopération franco-soviétique de 1990 et le Traité d'amitié franco-russe de 1992, où le règlement du contentieux avait déjà été évoqué, il s'agissait donc d'un nouvel engagement des autorités russes de prendre date sur ce dossier, qui, rappelons-le,, a pris soixante-quinze ans de retard... C'est en 1917, en effet, que les Soviets déclaraient nuls tous les emprunts russes émis avant la Révolution, des emprunts largement présents dans les bas de laine des foyers français. Depuis lors, les petits porteurs de l'Hexagone, ou plutôt leurs descendants, attendent toujours pour récupérer leurs fonds...
Les associations de défense sont toutes montées au créneau ces dernières semaines. D'un côté, le Groupement des porteurs de titres russes (GPTR), qui revendique 8.000 adhérents, adopte une position modérée, souhaitant une indemnisation qui ne soit pas seulement symbolique. D'un autre côté, la toute nouvelle Association française des porteurs d'emprunts russes (AFPER), une association dissidente du GPTR, qui revendique environ 400 adhérents, a adopté une position plus radicale. Elle réclame un remboursement pur et simple des titres émis, qu'elle évalue à 160 milliards de francs, 40 milliards pour le capital et 120 milliards pour les arriérés d'intérêt. « La Russie peut payer », clame cette association, qui met en avant les créances souveraines de la Russie, ses actifs, son stock d'or et de diamants, son pétrole...
Enfin, il existe un autre groupement, le GNDPTR, à l'origine des deux précédentes associations, qui a été placé sous administration judiciaire en octobre dernier, « à la suite de bisbilles entre ses dirigeants », explique cette même association. Malgré ses difficultés, ce dernier groupement vient de mettre en place un comité chargé d'étudier les modalités pratiques du recensement des titres et des porteurs.
Plus de trente titres russes toujours cotés .En outre, le comité va chercher les moyens de casser « l'indécente » spéculation qui s'est introduite sur ce dossier : « il semble bien que le GNDPTR ait été victime d'un " entrisme " très particulier: celui d'individus ayant acquis de fortes quantités d'emprunts russes et s'intéressant à la seule dimension spéculative de ce dossier », souligne l'association.
Devant tant d'ardeurs et de surenchères de la part des différents protagonistes de cette affaire, le ministère de l'Economie, qui gère ce dossier, essaye de calmer un peu le jeu. Certes, on admet que la situation s'est nettement débloquée du côté russe, mais une extrême prudence s'impose: il faut laisser le temps aux experts des deux pays d'avancer. Et aucun calendrier n'a pour l'instant été fixé pour boucler ce dossier.
En tout cas, plus d'une trentaine de titres russes restent toujours, contre vents et marées, cotés à la Bourse de Paris, à des prix très faibles. « Les transactions sont absolument ridicules », souligne­t­on à la Bourse de Paris. En revanche, le marché de gré à gré, chez les numismates, serait, lui, beaucoup plus actif.