Au premier trimestre, la balance des paiements a été déficitaire de 21,3 milliards de dollars.
La guerre larvée entre Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine ne met pas seulement les nerfs des politologues à rude épreuve. Elle ferait aussi fuir les investisseurs. C'est ainsi qu'est interprétée la dernière statistique publiée par la Banque centrale russe, relative à la situation, toujours plus inquiétante, de la balance des paiements. La fuite des capitaux s'est accélérée en avril, atteignant 7,8 milliards de dollars, contre 6,2 milliards en mars. Au premier trimestre 2011, le déficit atteignait 21,3 milliards de dollars (15,2 milliards d'euros). Cet indice vient doucher les pronostics positifs auxquels se livrait la même banque il n'y a pas si longtemps. À un an des élections présidentielles, où l'on ignore toujours qui, de l'actuel président ou du premier ministre reviendra au Kremlin, les investisseurs se montrent hésitants, ne sachant sur quel cheval miser : Medvedev, le chouchou des libéraux, ou Poutine, le garant du protectionnisme ?
Dopé par les revenus du pétrole et les cours des matières premières, l'argent continue à couler à flots. Les oligarques, entre les mains desquels se concentre une grande part de l'économie nationale, sont toujours plus riches. Mais dans la mesure où ceux-ci trouvent actuellement peu de débouchés sur leur marché domestique, ils préfèrent rapatrier leurs bénéfices au sein de leurs holdings - souvent basés à Chypre - avant de les essaimer sur les places occidentales. C'est le choix opéré par le moteur de recherche Yandex.ru, le Google russe, qui vient de coter une partie de son capital sur la Bourse électronique américaine Nasdaq. Avec succès, puisque ses titres ont été sur-souscrits au moins cinq fois.
Pour certains professionnels, cette hémorragie de capitaux hors du pays ne serait que transitoire. «À partir du moment où Poutine et Medvedev abattront leurs cartes, les incertitudes seront levées et l'argent reviendra», affirme Philipe Delpal, un banquier français installé à Moscou.
Appréhension chronique
Mais, pour d'autres, ces mauvais chiffres ne font que traduire l'appréhension chronique des étrangers à l'égard du marché russe. Selon l'analyste de la compagnie d'audit FBK, Igor Nikolaev, ce dernier souffre d'un degré élevé de «bureaucratie et de corruption». Deux dossiers, notamment, focalisent aujourd'hui la crainte des investisseurs : le projet de coopération entre le britannique BP et le géant Rosneft, contrôlé par l'État, ainsi que le conflit d'actionnaires autour de la chaîne pétersbourgeoise de supermarchés, Lenta.
Souvent dépassé par une économie qui lui échappe, le gouvernement a réagi en privant l'institut Rosstat - l'équivalent russe de l'Insee - du label officiel relatif aux statistiques des investissements étrangers. Seuls les chiffres de la banque centrale - bien que sujets à caution - feront désormais autorité.
Par Pierre Avril du Figaro.fr
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