" NE CRAIGNEZ PAS LE GROS OURS RUSSE ! "
En Russie, le capitalisme européen est une cible, confirme un conseiller de Poutine.
Il est le Monsieur Europe du président russe Vladimir Poutine. Invité à Paris par l’Institut français des relations internationales (Ifri), Sergueï Iastrjembski tente de redorer l’image de son pays « malmené », selon lui, par les leaders d’opinion en Europe. La Russie renaît de ses cendres, assure Sergueï Iastrjembski, voilà pourquoi elle fait si peur.
L’Europe vient de fêter les 50 ans du traité de Rome. La Russie envisage-t-elle un jour de rejoindre l’Union européenne ?
Réponse : Ce scénario me paraît peu réaliste. D’abord, parce que la Russie sort à peine d’une longue crise et que nous avons besoin de nous concentrer sur nous-mêmes. Ensuite, parce que nous ne sommes pas prêts à partager notre souveraineté avec quiconque. Or c’est une condition imposée par Bruxelles. Enfin, l’Europe n’est pas prête à en discuter non plus, puisqu’elle est trop préoccupée par la crise identitaire qu’elle traverse et par la stratégie à suivre demain, élargissement ou approfondissement.
Comment apaiser aujourd’hui la tension entre la Russie et l’Europe due aux chantages énergétiques exercés à plusieurs reprises par Moscou ?
Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une crise entre l’Europe et la Russie
Le ton est monté quand même entre Angela Merkel, présidente de l’Union, et Vladimir Poutine lors de leur dernière rencontre à Sotchi…
J’étais présent lorsqu’ils se sont vus. Elle a effectivement manifesté son mécontentement concernant notre conflit énergétique avec la Biélorussie en janvier. Parfois la Russie ne communique peut-être pas assez efficacement.
Si la Russie est un partenaire de confiance, comment expliquer le mécontentement de compagnies pétrolières, telles que Total ou Shell, que vous avez écartées de projets comme Sakhaline 2 ?
Pendant de nombreuses années, Gaz­prom et les autres compagnies énergétiques russes ont eu besoin de partenaires étrangers pour l’extraction des matières premières. Aujourd’hui, les entreprises russes sont plus fortes, mieux intégrées dans l’économie mondiale. Vous trouvez par exemple des stations d’essence Loukoïl partout en Europe et aux Etats-Unis. Gazprom va distribuer le gaz directement en Italie à partir du 1 er avril. C’est le cas en Allemagne. L’accès au consommateur final est devenu notre objectif numéro un. Les règles du jeu ont changé. La Russie prévoit-elle l’après-pétrole, se diversifie-t-elle suffisamment ?
C’est notre grande préoccupation ! L’envolée du prix des matières premières est comme une drogue dont dépendraient nos exportations, et donc la santé de notre économie. Nos efforts se tournent vers une modernisation de nos usines, de l’équipement, des machines-outils. Poutine exhorte régulièrement les grandes entreprises russes à devenir plus compétitives. Sinon nous aurons plus à perdre qu’à gagner quand nous rejoindrons l’OMC. Il nous faut plus de projets comme celui de la compagnie Soukhoï avec l’italien Finmeccanica dans la production d’avions moyen-courriers, les Superjet. Davantage de collaborations comme celle de Kourou avec les Français dans les satellites et les missiles. Nous aimerions en faire plus, mais le capital européen n’est pas très actif. La peur sans doute de voir la concurrence russe renaître de ses cendres !
Ou la crainte de voir entrer dans le capital de sociétés européennes comme EADS des entreprises russes contrôlées par l’Etat ?
Nous avons été très frappés par la réaction des Français et des Allemands à l’entrée de la Vnechtorgbank dans le capital d’EADS. Comme si le gros ours russe avait trouvé le moyen de redistribuer une somme d'argent colossale pour mettre le grappin sur l'une des perles de l'industrie high-tech européenne. Nous avons pris conscience de l’abîme qui nous séparait de l’opinion publique européenne. Pourtant nous avions agi exactement selon la logique du capitalisme européen. Il y avait une fenêtre de tir pour entrer à hauteur de 5 % dans une société contrôlée en partie par les Etats français et allemand et qui traverse une période de crise. L’entrée d’une banque chinoise ou arabe n’aurait pas fait un tel scandale. Nous voulons un accés à certains secteurs de l'économie européenne comme l’électricité, le nucléaire, l’aéronautique. Quand on nous demande l’accès vers le cœur de notre économie, l’énergie, nous ne disons pas non. Mais c'est donnant-donnant !
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Il y a quelques années c'était : Quand la Chine s'eveillera , et aujourd'hui c'est la version : Quand l'ours russe sortira du bois