Poutine, le grand ordonnateur
« Il ne faut pas avoir une foi aveugle dans les Etats. » En entendant Vladimir Poutine s'exprimer ainsi au forum économique de Davos, fin janvier, beaucoup se sont pincés. Le Premier ministre russe converti au libéralisme ? Une blague, évidemment. Une simple posture à l'heure où s'amorce un réchauffement des relations russo-américaines. Car, dans l'industrie russe, rien n'avance sans la bénédiction de l'Etat. « C'est Poutine qui est à la manoeuvre des restructurations actuelles jusqu'à 2 heures du matin », assure Alexeï Venediktov, le directeur de la radio Echo de Moscou. Et c'est donc lui qui distribue la manne de 50 milliards de dollars destinée au renflouement des groupes russes pris dans la tourmente financière. Témoin, les premiers chèques distribués aux oligarques Oleg Deripaska et Mikhaïl Fridman (respectivement 4,5 milliards et 2 milliards de dollars).
Une obsession étatique légitime en période de crise, mais malsaine le reste du temps. « Cet interventionnisme empêche notre économie de se diversifier, déplore le sociologue Evgueni Gontmakher. On coupe des forêts mais on est incapable de monter des usines de meubles ou de papier. Pourquoi ? Parce que la moindre initiative passe par le filtre des autorités et de la corruption », poursuit-il. Résultat, près de deux décennies après la chute de l'URSS, les trois quarts des exportations russes proviennent toujours de la vente du pétrole, du gaz et des métaux. Dès que les cours piquent du nez, l'économie s'effondre ! Le bilan ? Une grogne sociale croissante, un recul du PIB estimé à 2 % après une croissance de 5,6 % en 2008, 300 000 emplois supprimés en janvier et des réserves de change ramenées en quatre mois de 596 à 386 milliards de dollars...
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A eux cinq, ils ont perdu près de 60 milliards de dollars
Le numéro un Mikhaïl Prokhorov , 44 ans.
Pertes : 7,4 milliards de dollars.
A la tête d'une fortune de 19 milliards de dollars, il a eu le nez fin en vendant au prix fort sa participation de 25 % dans le producteur de métaux Norilsk Nickel avant le plongeon des Bourses. Montant du jackpot : 7 milliards d'euros. Désormais première fortune de Russie, il avait déclenché la polémique en 2007 après son interpellation à Courchevel dans le cadre d'une enquête sur un réseau présumé de prostitution.
Le Londonien Roman Abramovitch , 42 ans.
Pertes : 9,1 milliards de dollars.
Il a vu la valeur de son groupe d'acier et de charbon fondre de 9 milliards de dollars. Selon la presse britannique, le plus discret des oligarques, habitant Londres une bonne partie de l'année, propriétaire de trois yachts et d'un Boeing 767, songerait même à vendre sa plus prestigieuse acquisition : le club de football de Chelsea. Ce que dément formellement l'intéressé.
L'ennemi juré Vladimir Potanine , 48 ans. Pertes : 16,5 milliards de dollars.
Connu pour fréquenter les plages de Saint-Tropez et fêter chaque année son anniversaire sur les pistes de Courchevel, il a livré une bataille féroce pour garder le contrôle de son groupe, le géant Norilsk Nickel, plombé par la chute des cours. Un pari en partie gagné. Mais l'Etat a profité de la crise pour placer ses hommes au sein de son conseil d'administration.
L'ami de Medvedev Alicher Ousmanov , 55 ans.
Pertes : 8,8 milliards de dollars.
Le milliardaire d'origine ouzbeke, actionnaire du club de foot anglais Arsenal et du quotidien russe Kommersant, profite de son amitié avec le président russe pour défendre un plan : créer un géant métallurgique et minier en fusionnant les principales industries du pays. Une façon détournée d'éponger les dettes de son groupe, Metalloinvest. Le gouvernement étudie l'idée.
Le repêché Mikhaïl Fridman , 44 ans.
Pertes : 16,1 milliards de dollars.
Classé au vingtième rang des fortunes mondiales en 2008, il est à la tête du conglomérat Alfa Bank. Réputé pour ses accès de colère, il peut remercier Vladimir Poutine. Ce dernier lui a octroyé une garantie bancaire de 2 milliards de dollars. De quoi sauver VimpelCom, le plus gros opérateur russe de téléphonie mobile, également présent en Ukraine et en Turquie.
http://www.lepoint.fr/actualites-economie/oleg-deripaska-l-homme-qui-a-perdu-25-milliards-de-dollars/916/0/3229