LE FIGARO -- 6 janvier 1998
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La spoliation des porteurs français
L'intérêt de la Russie et de la France est d'aboutir à une solution équitable.
par Pierre de Pontbriand - Président de l' AFPER
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A la suite d'une intense campagne d'information et de mobilisation menée par l'AFPER dans le monde entier, la Russie a fini par accepter de signer les accords du 26 novembre 1996, complétés par ceux du 27 mai 1997, afin, selon les propres termes du premier ministre russe Viktor Tchernomyrdine , "" de rembourser les emprunts russes "".
Longtemps tenu secret, le texte de ces accords, rendus publics par l'AFPER le 10 octobre dernier, prévoit non pas le remboursement des emprunts russes, mais la compensation des créances réciproques entre les deux pays et le versement par la Russie d'une SOULTE de 400 millions de dollars. Ce qui revient en fait à faire payer les dettes de la France vis-à-vis de la Russie par de l'argent destiné aux porteurs français d'emprunts russes. Ce singulier montage explique que ladite soulte ne représente que 1% de la valeur des emprunts russes encore en circulation. Du jamais vu dans l'histoire des relations financiéres internationales. Il s'agit véritablement pour les porteurs d'emprunts russes, d'une seconde spoliation.
Ces mêmes accords stipulent que la Russie renonce à demander la restitution des 47 tonnes d'or d'abord versées à l'Allemagne au moment du traité de Brest-Litovsk , en 1918 , puis retrocédées à la France par les alliés aprés le traité de Versailles, précisément en atténuation de sa créance sur la Russie. Cet or , qui était destiné aux porteurs français d'emprunts russes, ne leur a jamais été rendu. Le moment est venu de le faire.
Ces 47 tonnes d'or, d'une valeur proche de 3 milliards de francs, permettraient ainsi d'augmenter de 125% le montant de l'enveloppe prévue pour l'indemnisation. Ce serait d'abord un acte de justice, mais aussi un nécessaire geste de réparation.
RÉPUTATION INTERNATIONALE
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En effet, comme l'a démontré le journaliste financier Joel Freymond, les gouvernements français de l'époque avaient participé activement au placement des emprunts russes en France. Le moins que puisse faire le gouvernement français d'aujourd'hui est bien de restituer aux porteurs français d'emprunts russes ces 47 tonnes d'or qui leur étaient destinées.
S'il est nécessaire, ce geste d'apaisement risque de ne pas être suffisant. En effet, rien ne justifie qu'un Etat qui se veut de droit, la Russie, ne rembourse pas intégralement les dettes contractées vis-à-vis de ses créanciers français. Ce n'est pas son intérêt, au moment ou elle veut revenir la tête haute sur les marchés financiers internationaux, avec une réputation de bon payeur.
Aboutir à une solution équitable est aussi l'intérêt de la France. Peut-elle accepter d'apparaitre aux yeux du monde comme le pays qui a le moins bien défendu ses ressortissants, puisque tous les créanciers de la Russie, sans aucune exception, ont été mieux traités que les porteurs français d'emprunts russes ?
Il faudra aussi veiller, à la stricte application du droit des valeurs mobiliéres. Dois-je rappeler qu'il s'agit de titres cotés ? Inscrits à la Cote officielle de la Bourse de Paris, cotés sans discontinuité depuis leur émission. Ils ont fait l'objet d'échanges réguliers tout au long de ces années. Les droits de l'ensemble de ceux qui en ont acheté doivent être scrupuleusement respectés. Il en va de la réputation internationale de la Bourse de Paris.
Il est donc clair que le dossier des emprunts russes ne peut rester en l'état. Au-dela des préoccupations légitimes des porteurs, c'est l'intérêt de la Russie comme celui de la France.
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Joel Freymond a écrit un excellent livre sur le sujet : Les Emprunts Russes - histoire de la plus grande spoliation du siécle, [u]édité par Le Journal des Finances